Les STAK et la taxe Caïman 3.0

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La STAK ou « stichting-administratiekantoor » de droit néerlandais permet de certifier les actions d’une société. La certification présente l’avantage de scinder la propriété des actions de leur gestion. Les familles peuvent ainsi donner à la génération suivante les certificats représentant les actions, tout en s’assurant que la gestion des actions soit effectuée de manière optimale par les administrateurs de la STAK.

La Belgique a également créé la possibilité d’avoir une certification d’actions au travers d’une fondation privée. Mais cette législation étant plus récente, et ayant connu des incertitudes à ces débuts, beaucoup de familles belges ont aujourd’hui encore des STAK de droit néerlandais pour détenir des sociétés belges familiales ou devenues partiellement familiales.

Régime fiscal de la STAK

Comme expliqué, la STAK, tout comme la fondation belge quand elle certifie des actions, a uniquement un but de bonne gouvernance d’une société.

Raison pour laquelle les Pays-Bas et la Belgique prévoient que ces structures sont transparentes fiscalement : on fait comme si les actionnaires continuaient à détenir les actions en direct, avec ainsi les dividendes qui sont précomptés (en principe à 30%) et les plus-values sur actions qui sont exonérées (si la cession se fait dans le cadre d’une gestion normale du patrimoine privé).

L’article 13 de la loi du 15 juillet 1998 relative à la certification de titres émis par des sociétés commerciales[1] dispose en ce sens que le titulaire de certificats est considéré « à tous égards » « pour l’application du CIR » comme actionnaire et bénéficiaire direct des dividendes de la société dont les titres sont certifiés[2].

La taxe Caïman

La loi appelée Caïman impose par transparence les « constructions juridiques », tels que les sociétés off-shore ou les trusts. Elle a pour but de percevoir un impôt immédiat annuel par transparence, plutôt que de devoir attendre pour taxer la distribution de revenus par ces constructions juridiques.

Depuis sa modification de décembre 2023, elle prévoit en plus une exit tax, notamment si la personne qui détient les droits sur cette construction juridique déménage hors Belgique.

Enfin, si le contribuable doit déclarer une construction juridique, le délai d’imposition passe automatiquement à 10 ans (plutôt que 3 ans), même sur les éléments de sa déclaration autres que les revenus de ladite construction juridique[3].

Taxe Caïman et STAK

Il semblera évident à tout un chacun que la STAK n’a pas à entrer dans le champ d’application de la taxe Caïman, puisque la loi de 1998 prévoit déjà qu’elle est transparente fiscalement.

La STAK ne permet pas de postposer les impôts, puisque les dividendes des actions sous-jacentes sont immédiatement imposés et distribués aux porteurs de certificats.

Le ministre des finances n’est cependant pas de cet avis : il a décrété, au cours des travaux préparatoires de la loi de décembre 2023[4], que la STAK constitue une construction juridique, dès lors qu’elle n’est pas soumise à un impôt sur les revenus aux Pays-Bas[5].

Cette position est correcte à la lecture de la définition donnée à la construction juridique par l’article 2, 13° du CIR. Mais ne faudrait-il pas revoir cette définition, dès lors qu’elle englobe dans son champ d’application des structures comme la STAK qui ne sont absolument pas concernées par l’objectif de la taxe Caïman de taxer les patrimoines flottants ?

La loi de 1998 disposant qu’il doit être fait totalement abstraction du véhicule de certification, il faut considérer, sur le plan fiscal, que le titulaire de certificats est l’actionnaire direct de la société dont les titres sont certifiés[6]. Certains auteurs soutiennent sur cette base que la loi sur la certification constitue une lex specialis qui prime sur l’article 2, 13° du CIR définissant les « constructions juridiques ».

Conséquences fiscales

Certes, le ministre des Finances a reconnu durant les travaux préparatoires que, bien que la STAK constitue une construction juridique à déclarer, « les revenus obtenus par STAK ne relèvent pas du champ d’application de la taxe Caïman »[7].

Il résulte de ce qui précède que la STAK serait une construction juridique à déclarer comme telle dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques en Belgique, mais ses revenus ne tomberaient pas dans le champ d’application de la taxe[8]. Le gouvernement reconnait que le régime fiscal instauré par la taxe Caïman est inutile puisque la transparence fiscale est déjà prévue par la loi de 1998.

La position du ministre est que, de manière générale, « les revenus obtenus par le bureau STAK ne relèveront pas du champ d’application de la taxe Caïman »[9]. Il s’ensuit que ni l’imposition par transparence, ni l’imposition au moment de la distribution, ni l’« exit tax » ne trouveront à s’appliquer[10].

En revanche, le ministre ne se positionne pas sur le fait que le délai de prescription de 10 ans ne s’appliquerait pas.

Conclusion

Même si le ministre se veut rassurant sur le fait que les dispositions de la taxe Caïman ne devraient pas s’appliquer en présence d’une STAK, il faut relever que si on considère que la STAK doit être mentionnée dans la déclaration fiscale annuelle en tant que construction juridique, alors même qu’aucune fiscalité n’y serait liée, cette mesure est disproportionnée (surtout si elle implique l’ouverture d’un délai de prescription de 10 ans). De plus, elle enfreint probablement le droit européen en instaurant une discrimination injustifiée entre les STAK et les fondations privées belges de certification.

Thales Avocat Bruxelles Valerie-Anne Debrauwere

Valérie-Anne de Brauwere

Partner THALES Attorneys – Tax

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Thales Avocats Bruxelles Nicolas Themelin

Nicolas Thémelin

Counsel THALES Attorneys – Tax

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[1] Moniteur belge, 5 septembre 1998.

[2] L’article 13 dispose « § 1er. Pour l’application du Code des impôts sur les revenus 1992, le titulaire de certificats, et non l’émetteur de ces certificats, est considéré à tous égards comme actionnaire ou associé et bénéficiaire direct des dividendes et autres distributions ou attributions et les certificats sont assimilés aux titres auxquels ils se rapportent.

Cette disposition n’est pas applicable lorsque l’émetteur et le titulaire des certificats dérogent à la disposition prévue aux articles 43bis, § 1er, alinéa 4, et 124ter, § 1er, alinéa 4, des lois sur les sociétés commerciales, coordonnées le 30 novembre 1935. De même la nature, nominative ou au porteur, des titres prise en considération pour l’application de ce Code est celle des certificats et non des titres certifiés.

§ 2. Par dérogation à l’article 44 dudit Code, les plus-values obtenues ou constatées lors de l’échange de titres de sociétés résidentes contre des certificats, lors de l’échange de ces certificats en titres auxquels ils se rapportent ou lors de l’annulation de ces certificats, sont considérées comme non réalisées.

Dans ces éventualités, les plus-values ou moins-values qui se rapportent aux certificats ou titres reçus en échange ou aux certificats annulés sont déterminés eu égard à la valeur d’acquisition ou d’investissement des titres échangés, éventuellement majorée des plus-values admises tant avant qu’après l’échange; pour l’application de l’article 44, § 1er, 2°, les certificats ou titres reçus en échange ou les certificats annulés sont censés avoir été acquis à la date d’acquisition des titres échangés.

Les alinéas 1er et 2 de ce paragraphe sont également applicables aux plus-values sur les certificats ou titres de sociétés qui ont leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d’administration dans un autre Etat membre des Communautés européennes, quand ces plus-values sont obtenues ou constatées à l’occasion d’opérations de même nature effectuées en exemption d’impôt dans cet état, en vertu de dispositions analogues. »

[3] Sous réserve de certaines exceptions.

[4] « La société néerlandaise STAK doit être considérée comme une construction juridique au sens de l’article 2, § 1er, 13), du CIR 92 (…). Par conséquent, le fondateur doit signaler son existence dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques ou à l’impôt des personnes morales », Projet de loi-programme, Rapport de la première lecture fait au nom de la commission des Finances et du Budget par M. Benoît Piedboeuf, Chambre des Représentants, 12 décembre 2023, Doc. parl. 55 3697/005, pp. 49 et 50.

[5] Dans le même sens, décisions anticipées du 14 juin 2022, n°2022.0360, du 23 août 2022, n°2022.0475, du 6 juin 2023, n°2023.0292 et du 27 juin 2023, n°2023.0392 ; G.D. GOYVAERT, « De kaaimantaks, een kritische beschouwing », T.F.R., 2015/17, n° 569, pp. 891 et 892.

[6] J.M. DEGEE et A. WEYN, « La certification de titres de sociétés – Questions choisies en impôts directs », R.P.P.B.I., 2024/1, p. 66.

[7]« sauf dans le cas où les certificats concernent les actions d’une personne morale qui est elle-même considérée comme une construction juridique, ou dans le cas où les conditions de l’article 13 de la loi relative à la certification ne sont pas remplies », Projet de loi-programme, Rapport de la première lecture fait au nom de la commission des Finances et du Budget par M. Benoît Piedboeuf, Chambre des Représentants, 12 décembre 2023, Doc. parl. 55 3697/005, pp. 49 et 50.

Voir également : « Dans le cadre d’une meilleure distinction entre les structures simulées et les structures qui sont inspirées par des objectifs légitimes de planification patrimoniale, il est clarifié que dans le cas de la certification d’actions, de parts ou d’autres actifs sous-jacents, l’application de l’article 13 de la loi du 15 juillet 1998 relative à la certification de titres émis par des sociétés commerciales doit être prise en considération. Cet article prévoit une transparence fiscale à prendre en compte lors de l’application du mécanisme général de transparence prévu par la taxe Caïman. La loi précitée stipule que, dans le cas des certificats, ceux-ci sont traités de la même manière que les titres auxquels ils se rapportent. Sur le plan fiscal, cela signifie que les certificats ne sont pas considérés comme des “titres” distincts et que, par conséquent, aucune plus-value ou moins-value n’est réalisée lors de la certification ou de l’annulation de ces certificats. En application de l’article 13 de la loi du 15 juillet 1998 précitée, le détenteur des certificats, et non l’émetteur de ces certificats, est considéré comme le bénéficiaire direct des dividendes provenant de ces titres » (Projet de loi-programme, Exposé des motifs, Chambre des Représentants, 23 novembre 2023, Doc. parl. 55 3697/001, pp. 26-27).

[8] Pour autant que (i) les certificats émis par la STAK portent sur les actions d’une société ordinaire (et non d’une construction juridique) et que (ii) les conditions de l’article 13 de la loi relative à la certification soient remplies.

[9] Projet de loi-programme, Rapport de la deuxième lecture fait au nom de la commission des Finances et du Budget par M. Benoît Piedboeuf, Chambre des Représentants, 19 décembre 2023, Doc. parl. 55 3697/014, pp. 23 à 25.

[10] « D’une manière générale, les modifications apportées à la taxe Caïman ne visent pas à modifier les règles fiscales en vigueur en matière de certification, établies à l’article 13 de la loi relative à la certification ou en application d’une tolérance administrative existante. Si les actions d’une société civile belge sont certifiées par l’intermédiaire d’un bureau STAK néerlandais, les articles 5/1 du Code des impôts sur les revenus 1992 (imposition transparente) et 18, alinéa 1er, 3°, combinés avec l’article 18, alinéa 1er, 3°/1, du Code des impôts sur les revenus 1992 (imposition lors de la distribution) n’auront aucun effet si l’application des règles de certification existantes induit une transparence fiscale totale et qu’aucun patrimoine flottant n’a donc été créé » (Projet de loi-programme, Rapport de la deuxième lecture fait au nom de la commission des Finances et du Budget par M. Benoît Piedboeuf, Chambre des Représentants, 19 décembre 2023, Doc. parl. 55 3697/014, pp. 23 à 25).

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