Le 1er janvier dernier, le nouveau livre 6 du Code civil entrait (enfin !) en vigueur. L’occasion de revenir sur la question de la responsabilité de l’employeur en cas de manquement d’un travailleur.
Prenons d’abord un exemple
L’entreprise Bart est spécialisée dans la démolition. Monsieur Georges L. souhaite abattre sa petite maison pour en construire une plus grande. Il engage l’entreprise Bart avec laquelle il convient d’une démolition le 3 février 2025. Maxime, conducteur de bulldozer de l’entreprise Bart, est chargé de la démolition. En arrivant sur les lieux le jour convenu, Maxime roule par inadvertance sur le petit chien de Georges L. avec son bulldozer, tuant la pauvre bête sur le coup sous le regard effrayé de Georges L. Ce dernier, mécontent et attristé, souhaite obtenir réparation de son préjudice.
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Que disait l’ancien Code civil ?
Pour rappel, l’ancien article 1384 du Code civil instaurait le principe de la responsabilité du « commettant » du fait de son « préposé ». En d’autres termes : l’employeur était tenu pour responsable de la faute commise par le travailleur pendant l’exécution de son contrat de travail. Le tiers au contrat, lésé par cette faute, ne pouvait s’adresser qu’à l’employeur pour obtenir la réparation de son dommage, protégeant ainsi le travailleur. Cette ancienne disposition permettait donc de toujours protéger le travailleur d’une action directe d’un tiers à la relation de travail.
Dans notre exemple, Georges L. n’avait donc d’autre choix que d’intenter une action contre l’entreprise Bart pour le préjudice découlant de la faute de Maxime.
Qu’est-ce qui change ?
Désormais, la nouvelle mouture du Code civil prévoit que le tiers lésé pourra s’adresser directement à « l’auxiliaire du cocontractant » pour obtenir la réparation d’un préjudice découlant d’une faute contractuelle dans son chef (article 6.3). Appliquée à la relation de travail, cette nouvelle disposition permet donc à ce tiers de réclamer réparation directement au travailleur, sans devoir passer obligatoirement par une action contre l’employeur, comme c’était le cas auparavant.
Dans notre exemple, Georges L. peut désormais agir directement contre Maxime pour obtenir des dommages et intérêts.
Que dit le droit du travail ?
L’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail (qui était déjà d’application et le reste) limite la responsabilité du travailleur. La loi prévoit expressément que le travailleur n’est responsable des fautes qu’il commet dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, que dans 3 hypothèses :
- le travailleur agit de façon dolosive (c’est-à-dire avec une intention de nuire, une volonté de causer un dommage) ;
- le travailleur commet une faute lourde (une faute grossière, un abus ou une négligence caractérisé(e) sans intention de causer un dommage) ;
- ou il répète plusieurs fautes légères (un manquement peu grave en soi mais dont la répétition consciente entraîne un caractère fautif).
Comment articuler ces principes ?
En pratique, le nouvel article 6.3 du Code civil n’a pas un impact fondamental sur la responsabilité du fait du travailleur, qui reste en toute hypothèse limitée aux 3 hypothèses énoncées.
Concrètement, si Georges L. peut désormais agir contre Maxime, il faudra encore qu’il démontre que la faute de ce dernier est constitutive de dol, d’une faute lourde ou d’une faute légère habituelle pour que sa responsabilité soit effectivement engagée et que Maxime soit condamné à réparer le dommage causé à Georges L.
Petits conseils pour la route
Vous êtes employeur et souhaitez maintenir un degré de protection équivalent à l’ancien Code civil en faveur de vos travailleurs ? Vous pouvez modifier les contrats que vous signez avec vos cocontractants (ou, plus facilement, vos conditions générales) pour limiter la possibilité de recours direct contre vos salariés.
Vous êtes le fameux « cocontractant lésé » ? Il n’est pas toujours évident de savoir si la faute reprochée au travailleur constitue un cas de dol, faute lourde ou faute légère habituelle. Il reste donc plus prudent d’agir contre l’entreprise avec laquelle vous avez contracté, plutôt que contre le travailleur, puisque vous pourrez alors obtenir la réparation de tout type de faute contractuelle démontrée, sans limitation à ces 3 hypothèses.
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