La directive Greenwashing enfin adoptée

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« Vert », « écologique », « respecte la nature », « protège l’environnement », « neutre en carbone ». Les allégations environnementales utilisées par les entreprises sont multiples et largement utilisées comme argument de marketing. Dans une étude réalisée en 2020, la Commission européenne avait constaté que 53,3% des 150 allégations environnementales examinées étaient vagues ou trompeuses. L’étude avait également identifié plus de 230 labels « verts » au sein de l’UE, dont les niveaux de transparence, de contrôle et de fiabilité variaient considérablement.

Ce 6 mars, la première directive visant à lutter contre les pratiques de greenwashing(ou « écoblanchiment ») vient d’être publiée au Journal Officiel. La directive (UE) 2024/825 « pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information » soutient l’objectif de  l’UE de favoriser une économie circulaire, durable et respectueuse de l’environnement, en donnant aux consommateurs les moyens de prendre des décisions d’achat en connaissance de cause.

Le législateur européen vise à atteindre cet objectif en mettant en œuvre un certain nombre d’amendements renforçant la protection des consommateurs contre les pratiques commerciales qui empêchent les achats durables en induisant les consommateurs en erreur, à savoir les pratiques de greenwashing (c’est-à-dire les allégations environnementales trompeuses), les pratiques d’obsolescence précoce (c’est-à-dire les défaillances prématurées des biens) et l’utilisation d’étiquettes et d’outils d’information sur le développement durable non fiables et non transparents.

Cette directive devrait à terme être complétée par la directive green claims, qui est encore en cours de négociation.

Modifications à la directive « Pratiques commerciales déloyales »

La directive fixe tout d’abord des interdictions détaillées en ce qui concerne les allégations environnementales, en apportant des modifications à la directive 2005/29/EC relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.

Afin de permettre aux consommateurs de prendre des décisions d’achat respectueuses de l’environnement, la directive modifie l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, qui énumère les éléments pouvant faire l’objet de pratiques commerciales trompeuses interdites. Les « principales caractéristiques du produit » pour lesquelles les pratiques commerciales trompeuses sont illégales comprennent désormais expressément les  » caractéristiques environnementales ou sociales » du produit ainsi que « ses accessoires, les aspects liés à la circularité, tels que sa durabilité, sa réparabilité ou sa recyclabilité ». La qualification explicite de ces caractéristiques en tant que « caractéristiques principales » souligne l’importance que le législateur leur accorde dans le processus de décision des consommateurs avant l’achat d’un produit.

En outre, la liste des pratiques commerciales spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2005/29, qui sont considérées comme trompeuses, est élargie. La disposition modifiée qualifie désormais explicitement de trompeuse la pratique commerciale consistant à formuler « une allégation environnementale relative aux performances environnementales futures sans engagements clairs, objectifs, accessibles au public et vérifiables inscrits dans un plan de mise en œuvre détaillé et réaliste qui inclut des objectifs mesurables et assortis d’échéances (…), et qui est régulièrement vérifié par un tiers expert indépendant, dont les conclusions sont mises à la disposition des consommateurs ».

Enfin, la directive étend la liste des pratiques commerciales qui doivent être considérées comme déloyales en toutes circonstances (appelée « liste noire ») à sept pratiques d’obsolescence précoce et à quatre pratiques de greenwashing. Cette extension comprend notamment les interdictions suivantes :

  • le fait d’afficher un label de développement durable qui n’est pas fondé sur un système de certification ou qui n’a pas été mis en place par des autorités publiques
  • le fait de présenter une allégation environnementale générique au sujet de laquelle le professionnel n’est pas en mesure de démontrer l’excellente performance environnementale reconnue en rapport avec l’allégation.
  • le fait de présenter une allégation environnementale concernant l’ensemble du produit ou de l’entreprise du professionnel, alors qu’elle ne concerne qu’un des aspects du produit ou une activité spécifique de l’entreprise du professionnel.
  • le fait d’affirmer, sur la base de la compensation des émissions de gaz à effet de serre, qu’un produit a un impact neutre, réduit ou positif sur l’environnement en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Cette interdiction, en particulier, a suscité beaucoup de discussion. Elle n’interdit pas l’utilisation de systèmes de compensation des émissions de carbone, ni même la publicité pour ces systèmes, mais bien d’affirmer que les compensations de carbone auraient un impact neutre, réduit ou même positif sur l’environnement et donner ainsi l’impression que l’impact environnemental d’un produit ou d’un service serait neutralisé par cette compensation.

Modifications à la directive « Droits des consommateurs »

Plusieurs modifications sont également apportées à la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs. Ainsi, des informations spécifiques sur la durabilité et la réparabilité d’un produit, parfois très contraignantes et difficiles à mettre en oeuvre, sont exigées de la part de l’entreprise pour tous les types de biens avant la conclusion du contrat. Parmi celles-ci, on peut notamment citer :

  • les informations sur l’existence et sur la durée de la garantie commerciale de durabilité accordée par le producteur ;
  • l’existence et la durée de la période pendant laquelle le producteur s’engage à fournir des mises à jours pour les biens comportant des éléments numériques ;
  • l’indice de réparabilité du bien ; des exigences harmonisées seront mises en place à cet égard au niveau de l’UE. A défaut d’existence d’un tel indice, d’autres informations de réparation, telles que la disponibilité de pièces de rechange ou d’un manuel de réparation devront être fournies.

Impact pour les entreprises

Les modifications apportées à la directive (CE) 2005/29 auront un impact significatif sur les allégations environnementales utilisées par les entreprises. L’allégation publicitaire fréquente relative à la neutralité carbone sera ainsi considérée comme déloyale, quelles que soient les circonstances spécifiques de l’affaire, si la neutralité carbone est obtenue par la compensation carbone. Les déclarations environnementales liées à des engagements futurs ne seront possibles qu’à des conditions particulièrement strictes.

Liens avec le projet de directive green claims

Ces exigences seront par ailleurs encore renforcées en cas d’adoption du projet de directive green claims. Celle-ci vise à lutter contre le greenwashing en fixant des critères minimaux que les entreprises utilisant des allégations sur les avantages et les performances environnementales de leurs produits ou services doivent respecter, ainsi que des critères minimaux pour les systèmes d’étiquetage environnemental. Toute allégation environnementale de ce type devra être justifiée conformément à un ensemble minimal de critères définis dans la directive et devra être vérifiée de manière indépendante par un vérificateur accrédité.

La directive en projet vise à réglementer la manière dont les allégations environnementales sont justifiées et communiquées, ainsi qu’à contrôler la prolifération des labels environnementaux, afin que les consommateurs disposent d’informations environnementales fiables, comparables et vérifiables.

Entrée en vigueur

Les États membres sont désormais tenus de transposer la directive greenwashing en droit national avant le 27 mars 2026 et d’appliquer les mesures adoptées à partir du 27 septembre 2026. Avant cette transposition en droit national, la directive n’aura pas d’effet direct sur les activités des entreprises. Toutefois, il est important de garder à l’esprit le fait que de nombreuses pratiques commerciales qui ne sont pas conformes à la nouvelle directive peuvent être considérées comme trompeuses et dès lors illégales en vertu de la législation actuelle. On rappellera à cet égard l’existence de lignes directrices sur les allégations environnementales adoptées par le SPF Economie en juin 2022 qui, bien que non contraignantes, visent à interpréter les articles VI.93 à VI.100 du Code de droit économique relatifs à l’interdiction des pratiques commerciales déloyales trompeuses et les appliquer aux pratiques de greenwashing.

Thales Avocats Bruxelles Gregory Sorreaux

Grégory Sorreaux

Partner THALES – Commercial, IP & Food Law

[email protected]

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